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RETRO VELO DORDOGNE
6 mai 2020

BORDEAUX-ARCACHON (Histoire d’une classique) - 1° partie

LA CLASSIQUE BORDEAUX-ARCACHON
la plus ancienne, la plus courte et la plus rapide du Sud Ouest
Retour sur l’histoire de cette épreuve

Bx-Arca

- C’est une exception à la règle que "Rétro Vélo Dordogne" effectue ici en publiant une nouvelle fois, soit quelques années après l’avoir déjà fait sur le site de feu la Dordogne Cycliste. Pourquoi cette exception ? Parce que Bordeaux-Arcachon constitue un peu l’histoire du cyclisme de Sud-Ouest, dont la Dordogne appartient. C’est donc en plusieurs parties que vous allez découvrir les différents épisodes de cette classique comme indiquée en sous titre : à savoir, "la plus ancienne, la plus courte, mais aussi la plus rapide" (1889-2004).

 PRÉAMBULE

 - Autrefois (vers 1889), la forêt silencieuse donnait à cette course une qualité dont l’âme éprouvait de la quiétude. Pas un ronronnement de moteur ne s’entendait dans la lande ou à travers la campagne boisée. Juste le bruit produit par les roues des coureurs qui ne rencontraient que quelques charrettes landaises appelées "bros", lourdement chargées et traînées par des mules.
- A cette époque, les ornières profondes attestant de la précarité de la route, renseignait le coureur sur le travail d’usure accompli par ces véhicules. Bien sur que pour le sportif, il fallait redoubler de vigilance tout en roulant, ceci pour éviter l’incident voire l’accident ou encore l’enlisement, du moins dans les parties non pavées. Autrefois, à gauche de cette route d’Arcachon jusqu’aux portes de Marcheprime, puis plus loin à droite, la piste sablonneuse constituait la voie de communication utilisée par nos coureurs. Par endroit, elle était couverte par les branches de petits arbres réguliers, qui se nouaient en clef de voûte au-dessus de la chaussée, tout en imposant une sorte de cloître végétal pour nos coursiers, leur permettant d’embrayer pour atteindre plus vite les bords de mer.
- Au début du siècle, souvent sur cette piste, le cycliste calait. Son effort était freiné par de profonds sillons que venaient y tracer les attelages landais, dont les mules effrayées s’emballaient à l’apparition de ce qui devait ruiner l’économie ancienne pour en créer une nouvelle, rude et impitoyable, mais si pratique, dont nous essuyons les plâtres, je veux parler de l’automobile, qui à l’heure où j’écris ces lignes, nous vaut la disparition pure et simple de notre épreuve de prédilection.
- Parlant aujourd’hui de Bordeaux-Arcachon, tout ce passé héroïque remonte dans nos mémoires. Pour ceux qui n’ont pas connu cette période, la route ou plutôt la piste était truffée de difficultés et d’imprévus. Aujourd’hui oublié, ce passé a sombré grâce au talent de nos ingénieurs. Le chemin d’Arcachon bordée par endroits de billots de bois en attente, est devenue une piste, puis une route, bitumée dès 1924, qui s’est élargie au fil du temps, doublée ensuite par une autoroute, des périphériques, des ralentisseurs et des giratoires, sans parler d’un trafic qui nous tue et nous empêche même d’y rouler en toute quiétude.

Bx-Arcachon

D’UN RECORD A L’AUTRE

- Qu’elle soit piste ou route, l’itinéraire était on le sait rapide au possible, de par la topographie des lieux. Pourtant en 1899, alors que l’automobile pointait son nez, Emile Sauzeau, qui courait sous les couleurs du Racing Club Bordelais, équipé à l’époque d’une roue à pignon fixe, couvrit le parcours en 1h10’. Quand on connaît l’état de cette voie à la fin du 19° siècle, le poids du matériel vélocipédique, il y a de quoi s’interroger sur ce véritable exploit. Sauzeau en porta toujours très haut l’orgueil devant la triste figure de ses concurrents, dont certains d’entre eux, quelque peu jaloux, mirent en doute sa performance.
- Quoiqu’il en soit, il fallut tout de même attendre trente huit ans pour assister à la chute du record de Sauzeau. L’évènement eut lieu en 1937, où parvenu à se détacher seul à Croix d’Hins, soit à 35 kilomètres du but, Pierre Chazaud, licencié aux Cyclistes Girondins couvrit l’itinéraire en 1h08’43s 2/5, soit à la moyenne de 44,117 km/h. Mais à cette époque, le matériel avait progressé tout comme l’état de la chaussée. Dix années s’écoulèrent et en 1947, Francis Brizon sous les couleurs du Vélo-Club de Levallois s’appropria le record en 1h07’30s, soit à la moyenne de 44,440 km/h, en réglant au sprint un peloton de huit hommes. L’enfant de Saint-Jean d’Illac ne le conserva qu’un an, car en 1948, Serge Agoust de l’Union Cycliste Arcachonnaise, le lui ravit au sprint, en 1h07’23s (moyenne 44,520 km/h). Bon, arrêtons nous là car nous reviendrons sur les premières éditions et sur cette histoire de records, même si celle-ci constitue parfois un sujet à de nombreuses et virulentes contestations…, ce qui n’enlève rien à la beauté et à la spécificité de cette course.

carte Levasseur 

En 1850, sur la carte de Levasseur, on distingue le tracé de l’itinéraire jusqu’à La Teste.
Moins de 40 ans après, les coureurs s’élanceront sur ce parcours...

Le contexte historique avant le lancement de l’épreuve

 - L’histoire de Bordeaux-Arcachon est associée à l’histoire du cyclisme Bordelais et plus particulièrement lors de ses débuts. Comme l’a écrit Jean-Paul Laplagne(1) sur ses différents sujets présentés, c’est la piste bordelaise qui a largement contribué à l’essor de notre discipline. Le livre d’Or du cyclisme girondin rédigé en 1934 par Gabriel Belliard, archiviste de l’Union Vélocipédique Française puis auprès de l’UCI, nous livre de précieux renseignements en la matière. De 1868 à 1922, Bordeaux et sa banlieue dénombraient sept pistes ou vélodromes, plus neuf autres en Gironde (Arcachon, Barsac, Blaye, Castelnau, Langon, La Réole, Lesparre, Libourne, Lormont). Mais ce monde clos des vélodromes ne dura pas. A force de voir les mêmes champions et les mêmes disciplines, on commençait à s’ennuyer. La piste va finir par s’essouffler, ceci au profit de la route, synonyme de sorties et d’aventures.
(1) Jean-Paul Laplagne est maître de conférences en sciences du sport et de l’éducation physique et sportive (STAPS) à l’université Victor Segalem Bordeaux 2. Il a rédigé sur le journal "Le Festin", un excellent reportage intitulé "Sur la piste bordelaise" qui décrit parfaitement les débuts du cyclisme à Bordeaux. Il est également l’auteur de nombreux sujets comme l’historique de l’épreuve de Lagorce Laguirande, ou "Lapébie - Verdeun - Darrigade histoire de trois fratries" et enfin parmi tant d’autres certainement, "la femme et la bicyclette à l’affiche". Il détient de même un site sur le cyclisme régional d'après guerre, particulièrement soignée en matière de documentaton, photos et reportages.

 - En 1879, le Véloce-Club Bordelais fait disputer déjà sa première épreuve routière entre Bordeaux et Pessac. En 1891, il ne faut pas oublier que le premier départ de Bordeaux-Paris avait été donné à la Bastide, juste après le pont de Pierre. Mais deux ans avant en 1889, le Vélo-Sport Girondin fondait le Bordeaux-Arcachon, une classique régionale dont le départ de la première édition officielle sera donnée en 1892, soit un an après le Bordeaux-Paris. Bordeaux-Arcachon représentait une épreuve de proximité alléchante. Tout d’abord parce que son itinéraire était plat et qu’elle convenait aux pistards du coin en quête d’exploits sur de longues distances. Cette classique symbolisait non seulement le sport, mais aussi un désir d’évasion vers la forêt et l’océan, histoire de fuir la ville et sa banlieue… La platitude de son itinéraire permettait aux pistards de se livrer dans une course de fond, qui marquera le sport et la vie locale à la charnière du 19° et du 20° siècle… Jean-Paul Laplagne nous conforte en écrivant "La course Bordeaux-Arcachon incarne vraiment le cyclisme Bordelais et Girondin. Elle a plein de petites sœurs dont les noms évoquent la côte atlantique. Ces ville à ville ajoute t-il, refont le chemin de la transhumance estivale. Elles ont un parfum de bain de mer : Andernos, Arès, Le Canon, Soulac, Royan..."

Bx-Paris

Le premier départ de Bordeaux-Paris en 1891 à La Bastide, près du pont de
Pierre a donné un sérieux élan au cyclisme sur route...

ecusson

- Epreuve internationale lors de ses débuts, passant par Arès, elle comportait d’abord un parcours de 100 kilomètres. Elle fut disputée officiellement et pour la première fois un 18 septembre 1892, contre la montre, par 63 coureurs.
- C’est sur le vieux journal du "Véloce Sport" de l’époque, que nous avons pu lire ces informations, époque où les directeurs Paul Rousseau, Jegher, Maurice Martin, aujourd’hui disparus, menaient un dur combat pour la propagation du cyclisme à Bordeaux. Gabriel Belliard écrivait d’ailleurs "C’est dans le Sud-Ouest aux routes admirables, aux coteaux riants et pittoresques, aux sites enchanteurs, que le cyclisme grandit et prospéra, jusqu’au jour où il envahit la France entière…" Il est donc utile aux générations actuelles de faire comprendre tout le passé que cette course représente. Dès 1899, le kilométrage passa à la distance classique des 50 kilomètres. Emile Sauzeau du Racing Club Bordelais avait on vient de le lire couvert le parcours en 1h10’, temps remarquable vu les conditions de l’époque. Le parcours constituait une multitude d’opportunités. En consultant la carte de l’Institut Géographique National, on démarrait à 50 mètres au dessus du niveau de la mer, c'est à dire à Pessac, pour atteindre jusqu’à 60 mètres à la périphérie de la Croix d’Hins et terminer dans les faubourgs d’Arcachon à 4 ou 5 mètres par rapport au niveau de la mer… Mis à part l’arrivée du boulevard Deganne et le faux plat après le départ, Bordeaux-Arcachon détenait tous les atouts pour devenir une course de vitesse
- Pour l’heure disons que cette course fut accueillie en 1889 sous la magistrature de Monsieur Eugène Ormières, maire d’Arcachon et fondateur de l’Union Cycliste Arcachonnaise en 1890. Ce n’est qu’en 1892 qu’elle fut reconnue officiellement par les pouvoirs fédéraux. Une soixantaine de concurrents s’y trouvaient au départ, dont quarante parvinrent au but. Bordeaux-Arcachon devait par la suite atteindre des records de participation avec des chiffres inconnus. Et ceci s’explique dans le fait que pour un coureur de la région, il manquera toujours quelque chose dans sa carrière, si au moins une fois il n’a pas disputé cette classique… Pour les rouleurs comme pour les sprinters, elle a porté le germe d’une belle carrière.

 

Toctoucau

- *La route d’Arcachon vers Toctoucau en 1900

 

 Palmarès de l’épreuve : 1892 - Louis Pinaud-Duanip les 100 kms en 3h35’, Th Léveilley, Lanuc. (course d’ouverture), 1893 - Henri Beconnais; les 100 kms en 3h48’, Desbordes, Merville. (Professionnels), Monnier les 100 kms en 3h59’, de Vallandé, Ch. Tampier. (amateurs), 1895 - Popinet (temps non communiqué) A. Moussinat, J. Bertin. (Professionnels), Lafitte, Macaroni, Réglat (amateurs), Marty-Bouzou en 2h02’15s, Dravor, Baillet, O. Desprat en 1h48’,Smits (Holl), H Laffargue (Professionnels), L. Marty en 1h40’ (record établi) , Derfla, Dravor (amateurs), 1896 - Henri Lafargue en 1h49’, J. Bertin, Lerouge (Professionnels), A. Barreyre en 1h41’, Lagarde, Bernard (amateurs), 1897 - Jean Bertin en 1h41’, J. Renouil, Octave Chadeau (Professionnels), A. Barreyre en 1h38’ (record établi) , Laborie, Lagarde (amateurs), 1898 - H. Remordé (UC Bordelaise) en 1h20’ (record établi) , Santa Fusta (Vélo Caudéranais), V. Dagrant (Vélo Caudéranais) (amateurs), Octave Chadeau en 1h25’, Boutet, Théringot (Professionnels), Emile Sauzeau en 1h29’, H. Remordé (UC Bordelaise), Léglise (amateurs), Lafontan en 1h35’20s, Dumas, Broc (Professionnels), Emile Sauzeau en 1h34’30s, Mastroti, Massie (amateurs), 1899 - Eyquem (Vélo Caudéranais) en 1h38’06s, E. Poupin, Dranem (amateurs), Emile Sauzeau (Racing Club Bordelais) en 1h10’ (record établi), M. Larsonneur (Vélo Caudéranais), Pauly (UC Bordelaise) (amateurs), E. Sauzeau (RCB) en 1h40’02s, Campagne, Edimbert (juniors) – (à suivre)

NDLR : il y a eu plusieurs éditions par an, en caractère gras le nom du vainqueur

RÉTRO VÉLO DORDOGNE - L’Histoire de la Classique BORDEAUX-ARCACHON (1)
© BERNARD PECCABIN
(à la mémoire d’Hubert Longau, de Gaston Bougon et de tous les crabes de l’UC Arcachon)
Prochaine partie : L’influence de Maurice Martin dans la région

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