Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
RETRO VELO DORDOGNE
26 février 2020

JACQUES VIVIER - SAISON 1952/1

VIVIER VA COURIR LE PARIS-CÔTE D’AZUR

- Relire la publication précédente.
- Pour Jacques Vivier cette saison 1952 constitue la saison des débuts parmi les grands. Alors que son service militaire touche à sa fin, le voilà aux côtés des professionnels et au départ de Paris-Côte d’Azur (aujourd’hui Paris-Nice). Pour connaître l’ambiance du moment, il suffit de relire les éditoriaux de Camille Mathonnière qui continue de nous offrir une belle tranche de bonheur, celui de cette époque où les grands restaient très modestes.
- On le voit, il y avait de l’ambiance à Mareuil et les deux articles ci-dessous résument bien la situation du moment, celui d’un début de saison couronné par tant d’exploits sportifs...

1952 professionnel Royal-Fabric Wolber (Club Athlétique Ribéracois)

- 1° Courrier de l’Ouest en deux étapes, 1° de l’étape Bordeaux-Limoges du Tour de France, 1° GP Malaury à Tarbes, 1° Trémolat, 1° Périgueux les 4 chemins, 1° Prix des vendanges à Périgueux, 1° Prix du restaurant Mounet à Périgueux, 2° de la 16° étape du Tour de France (Perpignan-Toulouse), 3° de la sixième étape de Paris-Nice, 4° de la cinquième étape de Paris-Nice (70 kms contre la montre) 1° Louison Bobet, 15° Paris-Nice, 49° Tour de France, 2° Aubusson (1° Colette).

Ce que vous ne savez pas de Jacques Vivier
(par Camille Mathonnière de Mareuil)
Morceaux choisis sur le fameux trio Duteil-Brun-Vivier

- Si nous en sommes fiers pour notre province Limousine, nous en sommes surtout heureux pour ce sympathique petit gars de chez nous qui en moins de trois ans de compétition a su se créer une solide personnalité dans un monde où les places sont pourtant chères et où il est facile de constater que s’il y a beaucoup d’appelés, il n’y a hélas que peu d’élus.
- Vous savez comme nous que notre jeune champion est le poulain de la célèbre marque Royal-Fabric, supérieurement dirigée par MM. Simon frères et Desnoyers. Vous savez aussi, ou plutôt vous pensiez comme bien d’autres qu’il était Ribéracois, car la radio et la presse ont pris l’habitude de le présenter comme tel. Ribéracois il l’est certes un peu, puisqu’il est l’enfant chéri du club cycliste de cette charmante petite cité dont on peut dire qu’il est également citoyen d’honneur pour avoir été reçu et fêté en grande pompe à la mairie. Il l’est au même titre que ses inséparables Duteil et Brun, qui forment avec lui le fameux trio dont on a tellement parlé.
- Seulement voyez-vous, dès les premiers succès, les habitants de Mareuil sur Belle se sentirent lésés dans leur honneur et se réclamèrent énergiquement de nos trois hommes.

Le conseil municipal de Sainte-Croix de Mareuil proteste !

- "Ils ne sont pas de Ribérac, ils sont de chez nous" entendait-on de tous côtés et à ce sujet, je me souviens d’une apostrophe véhémente d’un brave conseiller municipal, n’est-ce pas Marcellin, qui me disait un jour : "Dis donc, ça va-t-y durer longtemps cette comédie de dire partout que Vivier est de Ribérac ? Il va tout de même falloir faire quelque chose pour faire savoir qu’il est bien de Mareuil. Toi qui écrit dans les journaux, tu devrais bien t’occuper de cela, ou alors on va poser la question au Conseil ou au Syndicat d’Initiatives"
- "Mais répondis-je, tu te rends compte de ce que tu dis là mon vieux Marcellin ? Voudrais-tu mettre Sainte-Croix en révolution et amener des complications diplomatiques avec nos voisins ? "
 Car il faut bien vous dire que si vous avez cru Vivier Ribéracois et que vous soyez maintenant persuadés qu’il est de Mareuil sur Belle, vous vous êtes mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude y compris. La vérité vraie, est que notre Jacquot est né le 9 octobre 1930 à Sainte-Croix de Mareuil et qu’avec ses parents il y a toujours habité.
- D’ailleurs me dit M. Mathieu qui préside aux destinées de cette petite commune, il est né ici, son père est né ici et son grand père également ! Alors vous voyez c’est net et je suis fier comme nous tous à Sainte-Croix qu’il soit devenu célèbre. Nous suivrons son Tour de France de très près avec l’espoir qu’il fera parler de lui.
- Merci Monsieur le Maire, je comprends que vous soyez heureux, car il y a sans doute quelques lustres qu’il n’avait pas été question de votre commune dans le "Tour" et puisqu’on m’a appris à l’école qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient... à Jules soyez persuadés que nous ne manquerons pas de crier bien haut que Jacques Vivier est un enfant de Sainte-Croix de Mareuil.

L’institutrice est fière de son champion d’élève

- Bien entendu, il y est allé à l’école. Il y fut parait-il à la fois turbulent et sage avec ce fond de timidité dont il n’arrive pas à se départir. Voyons donc à ce sujet Mme Chauvy, son institutrice qui habite tout près d’ici.
- Elle nous reçoit gentiment dans son salon et dès que nous lui exposons le but de notre visite elle s’exclame : "Oh Messieurs, je vous en prie, ne parlez pas de moi, je n’ai pas l’habitude d’avoir mon nom dans les journaux, mais si c’est pour Jacquot, je suis heureuse que vous soyez venus me voir, car je suis fière comme nous tous ici que la grande presse parle de lui.
- Vous lui avez fait la classe Madame, quels souvenirs de lui avez-vous gardés" ?
- Rien que des bons, mon cher Monsieur. Il a été mon élève de six à quatorze ans, c’est vous dire que j’ai eu le temps de le juger. Plein de vie, mais studieux et surtout d’une politesse exemplaire. Il a eu son certificat à l’âge voulu et je n’ai eu qu’à me louer de lui, ainsi d’ailleurs que de son frère et de ses deux sœurs.

Premier du canton au brevet sportif populaire

- Dites nous Madame si quelque chose dans son attitude ou ses jeux pouvait vous faire présager qu’il deviendrait champion ?
- Eh bien Messieurs, excusez si je puis dire mon manque de modestie, mais lorsque je l’ai présenté au brevet sportif populaire, il a remporté en se jouant, le premier prix du canton. Ce fut un succès pour lui et pour moi. Seulement voyez-vous, c’est sans doute qu’il avait des dispositions naturelles, car j’avais à ce moment dépassé la cinquantaine et étant donné ma corpulence, les leçons de gymnastique que je donnais à mes élèves n’avaient qu’une valeur toute théorique.
- Et depuis le voyez-vous Toujours ?
- Mais bien sur que je le rencontre souvent. Il est resté le brave gosse qu’il était à l’école, toujours poli et correct. Tenez ! Mais ne le répétez pas, il m’en voudrait peut-être, tout récemment nous nous retrouvons ensemble à la pâtisserie. Il est assez gourmand, c’est un petit péché qui lui coûte quelque fois cher. Moi je le suis aussi, mais je ne suis pas coureur cycliste et à mon âge, cela n’a plus d’importance pour la ligne. "J’espère me dit-il que vous voudrez bien me permettre de vous offrir quelques gâteaux. Tenez, choisissez, cela me fera plaisir". Je vous assure que son geste était naturel et vous voyez qu’il ne m’en veut pas trop de lui avoir peut-être tiré les oreilles.
- Quelques minutes plus tard, Jacquot qu’on était allé chercher nous rejoignait. "Te voilà grand coquin, lui dit la brave dame, viens trinquer un peu avec nous et tu sais, j’ai dit beaucoup de mal de toi à ces messieurs ! "
 Pendant que notre photographe grille quelques ampoules, Mme Chauny nous pose la question rituelle : "Dites messieurs, pensez-vous qu’il puisse faire un bon Tour de France ? Je serais si heureuse qu’il puisse très bien faire et surtout qu’il ne soit pas déçu, il est si jeune ! "

Le Début de la belle aventure

- Dès sa sortie de l’école, il travaille avec son père et apprend le métier de tailleur. C’est un métier qui n’exige pas une grande dépense physique. Aussi occupe t-il ses loisirs à ses distractions naturelles, la chasse, la pêche et la bicyclette, car il doit descendre tous les jours à Mareuil pour le ravitaillement familial.
- Les dimanches d’été, avec son bon copain Joyeux, ils s’en vont participer aux concours de pêche des environs et ça roulait nous dit Joyeux. Le grand chameau, il nous en a fait baver plus d’une fois, mais nous ne pensions pas qu’un jour il serait un champion. Et puis un dimanche de juin 1949, voici juste trois ans, ce fut le début de la belle aventure.
- Une petite course de frairie dans un tout petit patelin des environs. Ouverte à quelques gamins non licenciés bien entendu. Un parcours sur des routes blanches et quelles routes ! des trous en "nid de poule" et des pierres comme des "crânes" de sénateurs. Une dizaine de concurrents en costume des dimanches, avec vélos à pneus et à éclairage. Il part et il gagne largement, non sans avoir perdu un garde boue en route. Mis en goût il recommence plusieurs dimanches. Il n’y a personne pour le battre, mais un concurrent sérieux s’affirme lui aussi, c’est Michel Brun qui court sur un vélo d’emprunt.
- Oh vous savez, il n’y avait pas lourd dans les deux ! Brun, petit, maigre, mais têtu et volontaire. Vivier tout en longueur, enflé comme une arbalète, avec son corps de grand gosse pas encore étoffé. Et il fallait les voir faire. Pas question de tactique ou de "chiqué". Ils partaient le nez sur la potence et ils ne le relevaient qu’après la ligne. Et ça réussissait. Ils n’étaient riches ni l’un ni l’autre, ils n’avaient pas comme bien d’autres d’ailleurs, les moyens de se payer le vélo de course de leurs rêves. Ils s’en furent voir Duteil qui à ce moment là, écumait la région depuis longtemps et cherchèrent à s’équiper à peu près sans trop de frais.
- Ce fut pour eux la chance de leur carrière de tomber sur Marius. Tout de suite celui-ci se prit d’amitié pour eux, et les fit profiter au maximum de son expérience et de ses conseils. Calme, sérieux, pondéré, il les façonna petit à petit à sa manière. Ils avaient tous les deux des aptitudes naturelles et une classe certaine qu’il fallut assouplir et discipliner. Duteil s’y employa de son mieux et ce fut encore une chance pour eux de l’écouter sans discuter. Combien de jeunes devraient s’inspirer de cet exemple ? Accepter les conseils et exécuter les ordres donnés dans leur intérêt. Ils n’ont pas cru eux, après avoir glané quelques succès en 3° et 4° catégorie, que c’était arrivé et qu’ils allaient pouvoir voler de leurs propres ailes. Ils ont continué à se laisser diriger par celui qu’ils n’appellent que "M’sieur Duteil" et maintenant, alors qu’ils ont tout de même quelques références à leur valoir, ils sont restés les mêmes élèves dociles, attentifs et appliqués.
- Oh certes, ils commettent encore des erreurs de jeunesse. Dans ce métier là comme dans les autres, on en apprend tous les jours et souvent à ses dépens. Après chaque course, le "maître" fait la critique, et ce ne sont pas toujours des compliments pour les élèves. Avec un tel professeur, les succès flatteurs ne se firent point attendre. L’année 1950 consacra définitivement le fameux trio qui bien épaulé par le CA Ribéracois totalisa 51 victoires régionales dans la saison.
- Moins d’un an après ses débuts, Jacques Vivier était champion du Limousin. L’année suivante il était champion de France militaire, remportait la Route de France et une pléiade de belles épreuves. Cette année, alors qu’il est encore militaire, il s’aligne dans Paris-Côte d’Azur, aux côtés des grands routiers européens. Il s’y distingue de telle façon qu’on pense immédiatement à lui pour le Tour de France. Le beau rêve continue... Quelle belle consécration !

Le Grand rêve de Jacques Vivier empêchera sa mère de dormir

- Il vit sainement en pleine nature dans son petit village de Verdinas, calme et tranquille entre ses parents restés très jeunes, sa sœur Marie-Louise, l’aînée 23 ans, une bien jolie jeune fille qui va paraît-il se marier bientôt. Son frère Christian 19 ans et sa petite sœur Réjane, petite brunette de 11 ans. "Croyez-vous, nous dit son père qu’il puisse faire quelque chose dans le Tour ? Nous le trouvons bien jeune, il avait bien le temps". Et sa maman ajoute : "Vous savez, moi je ne serai pas tranquille, pourvu qu’il n’arrive rien." Après avoir trinqué une nouvelle fois, nous quittons la famille Vivier et reprenons la petite route qui ondule sous le soleil. Tout à coup, notre photographe nous fait stopper. Le nez au vent, les lunettes en bataille, il nous apostrophe : "Regardez-moi ce paysage si c’est joli, et ce village de Jacques dans la verdure, laissez-moi prendre une dernière photo".
- Heureusement qu’il n’y avait pas de témoins, car ils nous auraient peut-être pris pour des malfaiteurs. Si vous nous aviez vus faisant la courte échelle à notre chevalier de l’image qui, finalement juché sur le mur du cimetière, échevelé, brandissant son appareil, disait en se parlant à lui-même : "J’aurai toujours dans ma collection une bien jolie photo de plus."

Signé Matho

Matho

Sur cette photo qui date des années 1950, on retrouve notre célèbre trio, mais aussi Camille Mathonnière,
le "monsieur presse" en cravate et coiffé d’un béret, placé juste entre la miss de service et Jacques Vivier.

GÉMINIANI ESCOMPTE UNE GRANDE PERFORMANCE DE VIVIER

ET DE BRUN DANS PARIS-CÔTE-D’AZUR

- Dimanche matin, nos deux jeunes champions Vivier et Brun ont rallié Paris pour s’aligner mardi dans la première grande épreuve par étapes de la saison, Paris-Côte d’Azur, organisé par les "Amis de Route et Piste" et patronné par "Perrier". Les poulains de "Royal-Fabric-Wolber" prendront place dans l’équipe Route de France que dirigera Géminiani, aux côtés de Bon, Dupré, Gonzalès et Thillard. Après le "Catox", qui a été pour eux un utile rodage, les voilà à nouveau dans le "grand bain", et quel grand bain ! Kubler, Bobet, Lucien Lazaridès, Robic, Impanis, Van-Est, Géminiani et bien d’autres "seigneurs" seront au départ...
Pourtant les deux élèves de Marius Duteil ne sont nullement impressionnés de se retrouver en compagnie aussi relevée et bien décidés à tirer d’utiles enseignements d’une telle course, tout en ne jouant que de simples figurants.

Camille Narcy, directeur technique de l’équipe de la Route de France

- Duteil que nous avons pu joindre au téléphone ne nous a pas caché sa confiance. "Je suis sûr que Jacques et Michel se feront remarquer avant la fin de l’épreuve. Déjà vu au "Catox" et je regrette que ça n’ait pas été souligné dans les journaux, ils ont très bien marché. Vivier qui lui était dans le peloton de Bobet, fit une chute à l’entrée du vélodrome, ce qui l’empêcha d’être classé, et Brun creva à 30 km du but. Pour une première sortie, il y avait tout lieu d’être satisfaits. Hélas, Jacquot souffre encore de sa hanche meurtrie et j’ai peur que ça le handicape un peu. Mes affaires me retenant à Mareuil, je regrette de ne pouvoir les accompagner dans ce Paris-Côte d’Azur. Mais je suis un peu rassuré car j’ai appris que la direction technique de l’équipe allait être confiée à Camille Narcy, l’ancien directeur sportif de Peugeot. C’est là une sérieuse garantie et les "petits" seront bien. "

Vivier et Brun ont pris contact avec Géminiani sur la Côte d’Azur

- Profitant de ce que Vivier et Brun étaient aux côtés de Duteil, nous avons bavardé quelques instants avec les deux cracks de la section du CA. Ribéracois.
- "Je viens de faire mon pansement avant de partir, nous dit Vivier. Je souffre encore un peu mais j’espère que ça va aller. Peu à peu le coup de pédale revient, aussi la vie est belle malgré mon bobo. Et puis nous allons disputer une grande épreuve avec Géminiani qui est charmant. Nous avons roulé souvent ensemble sur la Côte d’Azur durant la semaine que nous avons passé là-bas et je suis sûr que nous nous entendrons bien".
- De son côté Michel Brun qui va maintenant laisser ses camions, ne cache pas sa joie de tenter la grande aventure : "Nous allons dans l’inconnu évidemment mais c’est vraiment passionnant de prendre part à une telle épreuve. Je sens que la forme approche et j’espère bien terminer la course avec Jacques sans que l’on ait parlé de nous. Du reste "Gem" nous a dit qu’il avait confiance et qu’il espérait que nous saurions faire honneur à l’équipe. Alors nous essaierons de ne pas le décevoir".

La route de France, premier objectif des Mareuillais

- Avant de nous séparer, nous demandons à Duteil s’il est exact que ses poulains auraient l’intention de passer professionnels après Paris-Côte d’Azur, comme certains l’avaient annoncé il y a quelques temps.
"Il n’a jamais été question de cela nous répond Duteil. Les "petits" sont jeunes et puis il y a la Route de France où Vivier a remporté sa grande victoire nationale, course à laquelle n’ont droit que les amateurs et les indépendants. Cela reste l’objectif numéro un de mes deux poulains. Mais encore faudra t-il qu’ils soient en forme, ce que je crois sincèrement à fin avril, car lorsqu’on a gagné une épreuve on n’a pas le droit l’année suivante de jouer les figurants".
Quant à nous, nous connaissons trop la classe de Vivier et Brun pour ne pas savoir qu’ils seront non seulement au départ de la Route de France mais surtout et avant tout qu’ils en seront les vedettes à part entière.

CP. FRANÇOIS

RÉTRO VÉLO DORDOGNE – JACQUES VIVIER (1952/1) © BERNARD PECCABIN
Prochain épisode : 1952 Vivier et le Paris-Côte d’Azur

Publicité
Publicité
Commentaires
RETRO VELO DORDOGNE
RETRO VELO DORDOGNE

Blog destiné à recenser les informations sur le cyclisme de la Dordogne depuis sa création jusqu'à nos jours...(Photos, articles, reportages, etc...)
Voir le profil de Bernard PECCABIN sur le portail Canalblog

Publicité
Archives
RETRO VELO DORDOGNE
Derniers commentaires
Newsletter
Publicité