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RETRO VELO DORDOGNE
13 mai 2021

NONTRON ET SON CYCLISME - DÉBUTS D’UNE AVENTURE

bandeau nontron

- Evoquer le cyclisme de Nontron, peut prêter à confusion, car il y a le cyclisme de la ville de Nontron et celui du Nontronnais, autrement dit celui de sa périphérie. Et comme les habitants de Nontron sont des Nontronnais, vous conviendrez je pense qu’il est difficile de dissocier ces deux identités. Pour faire simple, nous allons parler du cyclisme de cet ensemble... Car comme chacun sait, Nontron a accueilli des clubs comme le Vélo-Club, le Cyclo-Club, l’Union Cycliste et peut-être d’autres encore... Il en est de même de la Pédale du Nontronnais, qui ayant son siège à Abjat, a reçu de nombreux coureurs de la région, dont ceux de Nontron...

DES PREMIÈRES HEURES DU CYCLISME JUSQU'A LA 2° GUERRE

Mousseau 1

Le commerce de Lucien Mousseau rue du 11novembre (près du restaurant Carteaud) à Nontron. A droite Lucien et sa moustache, au centre son fils Yves dont une main est appuyé sur le pneu d’un vélo (cliché pris vers 1920, bien lire les détails des enseignes document rare. Crédit photo famille Mousseau)

- On dit que les frères Mousseau de Nontron galvanisaient le public Périgourdin, notamment dans les années 1880. Ceci pourrait constituer une base de départ pour le cyclisme de la cité du couteau. Car à Nontron comme partout ailleurs, le vélo a connu un engouement populaire dès cette époque. Une période où l’Union Vélocipédique Française effectuait ses débuts. Le Sud-Ouest a été d’ailleurs un précurseur de cette période, avec des clubs cyclistes qui étaient administrés. A Nontron, il n’y avait pas de club encore, mais des coureurs qui évoluaient sur les routes. Il existait des sociétés sportives pour pratiquer le rugby et le football, puis certaines associations ont voulu monter alors une section cycliste.
- A cette époque, le cyclisme était dirigé par ce qu’on appelait un chef consul, présent sur toutes les épreuves. Les coureurs de Nontron eux étaient partagés pour courir soit à Limoges, soit à Périgueux, voire Angoulême. Toujours est-il qu’à Périgueux, le comte de Fayolle avait les yeux fixés sur les frères Mousseau qui possédaient une énorme roue dentée au départ du Championnat de fond sur 100 kms couru entre Périgueux-Montpon et retour (1900). Le public aussi aimait se placer toujours aux côtés de Mousseau aîné, dans le but de voir ses farces qui n’avaient d’égales que celles de Franconi.

Le Grand Treuil

Le vélodromme du Grand Treuil à Limoges

- Mais comme déjà dit, Nontron n’avait pas que Périgueux pour développer la compétition cycliste et son esprit sportif. Limoges et son vélodrome du grand Treuil était devenu un des théâtres où l’on ne se faisait point de cadeaux...

bandeau Mousseau

Il est à Nontron une ancienne famille de cyclistes qui a réuni trois générations sur les routes du Périgord. En effet, Lucien, Yves et Claude Mousseau ont tour à tour dominé la discipline au cours de la première moitié du 20° siècle...

LUCIEN MOUSSEAU PREMIER DE CORDÉE
D’UNE GÉNÉRATION CYCLISTE

- La bicyclette est l’invention mécanique la plus merveilleuse du 19° siècle ! Les Mousseau auraient pu faire ainsi l’éloge de la "petite reine" vu l’engagement qu’ils ont témoigné à l’égard de cet engin extraordinaire, qui a révolutionné leur vie.
- Quand Charles Terront remporte Paris-Brest-Paris, Lucien Mousseau fête sans doute son 10° anniversaire, celui d’une vie totalement dévouée à la mécanique, au commerce et à la pratique du cyclisme.
- On a peu de renseignements sur Lucien Mousseau de Nontron, si ce n’est ce certificat de vélocipédiste militaire - notre photo en bas de page - qui date de 1902, ce qui nous laisse présager que notre Lucien est né vingt ans avant, soit sans doute vers 1882, autrement dit à une époque où le vélo en était à ses balbutiements(1).
(1) - les débuts du cyclisme à Périgueux.

- Lucien Mousseau fait parti de ces hommes et de ces héros qui prenaient le départ de courses dépassant les 100 km, quasiment sans assistance, grimpé sur des bicyclettes de 12 kg, mais fort d’un moral à toute épreuve qui lui permettait de s’adapter à toutes les situations. Et c’est sans doute ce manque d’assistance qui a motivé Lucien à ouvrir un atelier de cycles à Nontron, rue du 11 novembre - notre photo - . Le plongeon dans ce passé fait revivre la vie ingrate de ces pionniers du cyclisme, des drames vécus par ces coureurs, saisis souvent par la fatigue extrême ou en proie à de profondes crises de confiance, se réfugiant souvent dans quelques masures isolées ou quelques granges, lorsque après avoir couru à Périgueux, ceci après un aller pour se rendre au départ, il fallait faire la course, puis rentrer à Nontron par ses propres moyens. Malgré ces vicissitudes, les Mousseau étaient de sacrés coureurs et de joyeux drilles. Très appréciés du public, ils étaient submergés par les spectateurs qui se précipitaient pour écouter Lucien ou Albert raconté leur course, émaillées de petites blagues ou farces qui n’avaient d’égales que celles de Franconi.
- 1880-1900 c’est l’époque et le point précis du début du cyclisme en France comme en Dordogne. Si vous avez cliqué sur le lien(1) ci-dessus vous avez appris toutes les circonstances de cette période floue, où les membres sportifs et les inventeurs détenaient cette passion unique, celle de rouler de plus en plus vite d’un côté, tout en rendant la mécanique pratique, moins lourde et moins incommodante de l’autre.
- Lucien Mousseau réunissait ces deux facultés. Celui du sportif et du bricoleur. Preuve en est avec ce Championnat de Dordogne de fond du début du 20° siècle couru entre Périgueux Montpon et retour (100 kms). Lucien et son frère Albert se trouvaient au départ avec le comte Félix de Fayolle, éminent représentant de l’Union Vélocipédique Française (UVF) en Dordogne venu avec son tacot donner le départ. Il y avait foule à Périgueux(2) dans le quartier des Isards et tout le monde s’étonnait devant la dimension impressionnante de la roue dentée avant des Mousseau. Une roue certainement bricolée par Lucien dans son atelier de Nontron, mais qui alimentait les conversations à une période où cela faisait peu de temps que John Boyd Dunlop réussissait à remplir d’air des roues avec des tuyaux en caoutchouc (1888). En ce temps d’autres s’activaient sur le vélo à chaîne comme l’anglais Rover et le français Clément. D’autres travaillaient sur la robustesse de la fourche comme l’anglais Thomas Humber, alors que Michelin mettait au point un pneu démontable. C’est au cours de cette grande révolution industrielle du cycle, que Lucien Mousseau a vécu, a travaillé dur pour servir les Nontronnais à s’évader sur les routes...(2)- Les Mousseau venaient également courir sur les allées Tourny à Périgueux où des virages relevés étaient momentanément installés pour donner une allure de piste. Les gloires de l’époque : Gonthier devenu par la suite directeur d’autobus, Lacoste devenu industriel mais aussi Parouty, Ladoire, le nontronnais Réjoul, le bergeracois Lavaud. Soit des gens qui avaient les moyens de se payer une bicyclette.
- L’importance du marché du cycle était née avec des gens qui rivalisaient d’audace et d’astuces techniques, jusqu’au temps où les marques prendront leur place pour servir une pépinière de champions, puis l’armée, les pompiers, les facteurs et les particuliers, sans oublier le cyclotourisme(3) naissant.
(3)
.l’influence de Maurice Martin sur le cyclotourisme dans la région (publication Bordeaux-Arcachon)

brevet Mousseau Lucien

- Lucien Mousseau a connu tout cela et probablement qu’il s’est décidé à ouvrir son atelier et magasin de cycles à l’époque où les marques ont pris les initiatives du développement de la bicyclette. Lucien Mousseau tenait boutique à l’enseigne "Compagnie Générale de Cycles" qui utilisait des vélos de marque "Rochet", compagnie dont l’action était cotée en bourse dès 1894.
- Nous sommes en 1908, c’est aussi l’époque où un certain Lucien Petit-Breton s’installe comme marchand de cycles, mais à Périgueux. Petit-Breton est connu par ses grands exploits au Tour de France et lors des premières grandes classiques. Il poursuivra d’ailleurs sa carrière sportive, laissant la gérance de son magasin Peugeot à son frère Paul.
- C’est là aussi que débute une période clé de la vie de Lucien Mousseau. Année où il a côtoyé celle de Petit-Breton(4), année où naissait son fils Yves, qui prendra un jour sa relève en qualité de vélociste, comme son papa.
(4) le cyclisme à Périgueux avec Petit-Breton

LE VELO A l’EPOQUE DE LUCIEN : L’engouement pour le vélo qui était limité aux seules élites et aux bourgeois, gagne à la fin du 19° siècle les autres couches de la société. En 1882, on sait que les membres des clubs sont constitués de commerçants et d’employés. Un mouvement comparable se dessine dans la plupart des clubs, qui naissent et qui croissent à une vitesse folle, comme dans notre Sud-Ouest par exemple. Ce développement de la vélocipédie a très tôt été lié avec le cyclotourisme où l’on comptait un nombre inouï de clubs.
- Mais les paysans commencent à leur tour à goûter aux joies de la petite reine. C’est un objet convoité dans les campagnes, au même titre que le téléphone dont l’installation au village précède de peu l’irruption du premier deux roues. Après le chemin de fer, la bicyclette contribue encore à rompre l’isolement du paysan. Fini les déjeuners aux champs ! Comme le travailleur urbain, le paysan rentre déjeuner chez lui grâce à la bicyclette. Fini aussi les longues soirées ennuyeuses. Le bourg et ses tentations, le café comme le bal du samedi soir, sont devenus accessibles aux gens les plus éloignés.
- Mais si le spectacle cycliste est bien sans doute le sport le plus populaire, attirant les foules toujours plus nombreuses, comme au Grand Treuil à Limoges ou autour des allées Tourny à Périgueux. Mais le développement de la pratique se heurte à des obstacles financiers. Une bicyclette vers 1900 coûte de 200 à 300 F. Or un journalier agricole ne gagne que 3 francs par jour, alors qu’un ouvrier métallo à Paris obtient un salaire de 200 francs pour le mois. Cette différence de vie de la société favorise donc les artisans, les commerçants et les riches paysans. Aussi, les clubs composés d’ouvriers sont rarissimes. Alors comment pouvoir se payer une bicyclette ?

Petit Breton Paul Mazan, Champion de France amateurs

Paul Mazan frère de Petit-Breton vainqueur de Limoges-Nontron et retour

- Pour débloquer cela et développer l’industrie du cycle, la vente à crédit se met en place. De même, les parcs d’occasion se développent et la location devient une activité florissante. Certainement que le Nontron de cette époque, celle du vélociste Lucien Mousseau a connu aussi cette face cachée de notre histoire cycliste et de son long envol...
- La vie des Mousseau n’a pas été un long fleuve tranquille. Lucien (1° génération) a vécu dans les conditions énumérées ci-dessus les débuts du cyclisme, puis la première guerre mondiale. Son fils Yves (2° génération), né juste avant le conflit sera un coureur de l’entre deux guerres, qui aura couru sur le vélodrome de Périgueux en pleine crise économique (celle de 1929), sans oublier la deuxième guerre où il a échappé à la déportation grâce à une méprise de l’occupant. Claude (3° génération) fils de Yves, sera lui aussi coureur lors de la libération, dans une période où pour courir, on manquait de tout...
- Comme chacun sait, le cyclisme constitue une grande école de courage et de volonté. Et à ce sujet, cette famille a été marquée par toutes ces circonstances d’une vie pas facile à gérer, mais qui a conçu trois supers champions et pour qui nous allons continuer d’en découvrir la face avec les documents que nous disposons. Après Lucien, on parlera prochainement de son fils Yves Mousseau né en 1908, vélociste et coureur dans les années 1928/1933.
- Le 1° octobre 1906, un Brevet Routier sur 100 kms partait de Limoges en passant par Chalus, Nontron, Thiviers, Chalus et retour. Ces brevets routiers constituaient de grandes épreuves qui rassemblaient tous les sportifs de la région.
- C’est sur des bicyclettes de 16 kg et plus, que le 1° Limoges-Périgueux et retour, long de 200 km, eut lieu avec les meilleurs routiers de la région. Organisé par le Racing-Club de Limoges, la course fut gagnée par Paul Mazabraud. Mais au-delà du vainqueur et des péripéties de course, cette épreuve connut un très gros succès à Nontron comme ailleurs.
- En 1907, le 1° Limoges-Nontron et retour voit le jour, soit un brevet routier de 150 kms, toujours sous l’égide du RC Limoges et qui regroupait que deux engagés (je dis bien deux engagés). Le 28 juillet 1908, la 2° édition de Limoges-Nontron et retour, longue de 140 kms est placée sous le patronage du journal l’Auto. Treize coureurs sont classés, dont Paul Mazan le vainqueur, appartenant au CC Périgourdin et frère de l’illustre Petit-Breton.

Accident sur Limoges-Nontron-Limoges : Dimanche matin vers 10 heures et demie, deux cyclistes de Limoges, MM. Fabre et Rayé, prenant part à la course Limoges-Nontron-Limoges, revenaient de Nontron, rivalisant de vitesse, lorsque dans la descente rapide et tortueuse du Dournajoux, ils firent la rencontre d’un attelage à âne qui montait cette côte. A la vue des deux cyclistes, l’animal effrayé, dont le conducteur dormait paisiblement dans la charrette, tourna subitement et mit ainsi le véhicule en travers de la route.
- Ce mouvement avait été si rapidement exécuté, que les deux cyclistes, tenant leur droite, n’eurent ni le temps, ni la place d’éviter la chute. Ils arrivèrent donc à toute vitesse sur l’attelage. M. Fabre frôla le véhicule, mais il passa sur un tas de cailloux qui formant tremplin, envoya le cycliste dans le remblai. M. Rayé qui était dans la roue de M. Fabre, suivit le même chemin et une chute identique se produisit. Les deux cyclistes se sont fait de sérieuses contusions et ont dû abandonner la course. La machine de M. Rayé a subi de fortes avaries et par extraordinaire hasard, celle de M. Fabre sur laquelle celle de M. Rayé est passée, n’a eu elle aucune pièce faussée.
(Le Courrier du Centre du 31 juillet 1908)...

- Alors que Lucien Mousseau travaille dans son commerce et dans son atelier de cycles à Nontron, les courses prennent leur envol. Le 19 janvier 1903, la naissance d’une des plus grandes inventions sportives des temps modernes est annoncée sur une colonne et en quelques lignes dans le journal de "l’Auto". Face au développement de l’automobile, le vélo se devait de réagir et de ne pas rester figer dans ses traditions. Grâce à Henri Desgrange, le Tour de France dote son sport d’une épreuve tellement en avance sur son temps, qu’elle fait encore les beaux jours de la discipline au seuil de ce 21° siècle. Tour à tour coureur, entraîneur, journaliste, organisateur et patron de presse, Henri Desgrange révolutionne le cyclisme. La France est à son apogée pour avoir inventé le plus grand évènement sportif qui ont vu naître les Garin, Pottier, Garrigou et Petit-Breton. Les exploits des cyclistes français déchaînent les passions et le Tour est devenu le banc d’essai pour les plus grands constructeurs de cycles. Et ce sont tous les vélocistes de la France profonde qui vont y gagner, comme à Nontron où les attentions des spectateurs fait vibrer la fibre patriotique et celle des industriels qui ont vu de suite un gigantesque enjeu commercial.

RÉTRO VÉLO DORDOGNE – CYCLISME A NONTRON © BERNARD PECCABIN
La mémoire du cyclisme en Dordogne - Prochaine édition Yves Mousseau

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